Zone Téléchargement – Un business à 1,5 million d’euro annuel

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Après l’opération policière ayant visé le site répertoriant des liens de téléchargement illégaux Zone Téléchargement, les autorités ont dévoilé quelques éléments probant sur le véritable business que le site représentait.

Edit : le site est de nouveau hors ligne aujourd’hui. Clap de fin ? Une vidéo sur l’intervention policière en Andorre a été publiée sur AndorraDiffusio.

Alors que le site Zone Téléchargement (ZT) était le 11ème site le plus visité de France d’après Alexa, il a été mis hors ligne lundi après saisi de ses serveurs puis remis en ligne à peine 24 heures après, dans un énorme pied de nez à la Gendarmerie qui s’était vanté de la fermeture sur tous les médias. Résultat, une bonne grosse opération de publicité pour le portail de lien ! Néanmoins, le site a été restauré via un backup datant de 24 heures mais les liens de téléchargement ne sont pas opérationnels : en effet, il faudrait que le protecteur de lien dont tout dépend, DL-Protect (DLP, 19ème site le plus consulté de France), fonctionne de nouveau, ce qui n’est pas encore le cas.  Tant que les redirections sécurisées ne sont pas actives, il ne s’agit que d’une façade sans aucune possibilité d’accéder aux œuvres sous copyright piratées.

Un procès rapide à Toulouse

Les deux administrateurs, des jeunes hommes âgés de 24 et 26 ans, ont été mis en examen pour contrefaçon en bande organisée, exécution en bande organisée d’un travail dissimulé et blanchiment d’argent aggravé. L’un des deux suspect a déjà reconnu les faits, tandis que le second est en attente d’extradition en Principauté d’Andorre vers la France pour son procès à Toulouse sous un délai de 30 jours maximum. Le parquet a requis le placement en détention de son partenaire français.

Les trois autres personnes qui se trouvaient encore en garde à vue mardi, notamment la compagne d’un des suspects ainsi que ses parents, ont été laissées libres et seront entendus par la suite sur l’affaire.

Ses avocats, Mes Catherine Raynal et Simon Cohen, s’étonnent du ridicule de la mise en détention du jeune homme :

« Les réquisitions de mandat de dépôt, dans un dossier financier correctionnel, sont injustifiées et ridicules. Les faits concernant le site internet ont été reconnus. Le site a depuis été fermé. Quel intérêt à placer ce garçon en détention ? Aucun. La justice veut simplement le punir par anticipation alors que la possibilité qu’il soit placé en détention par le tribunal correctionnel, lors du jugement au fond, est presque nulle. »

Une remise en ligne partielle qui fait parler

Chose étonnante, les autorités n’ont pas saisi le nom de domaine lors de l’opération avant de communiquer dessus. Assez risqué comme démarche, surtout que des administrateurs semblent rester dans la nature étant donné la rapidité de remise en ligne du site. De nombreux contenus ont été publiés sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter, sans toutefois être authentifiés.

« Retrouvez l’ensemble des news de Zone Telechargement. Keep Calm nous sommes toujours en vie. Zone-Telechargement n’est pas un hébergeur mais un site de partage avec des liens directs… Hadopi ne nous concerne pas #ZoneTelechargement ».

Les statistiques du site pirate sont impressionnantes : Le site comptabilisait, selon la gendarmerie, 254 millions de pages vues pour 7,1 millions de visiteurs uniques tous les mois et 11 000 téléchargements par jour. A côté de ça, Zone-Telechargement proposait 18 000 films, 2 500 séries télé ; 11 000 documentaires ; 20 943 émissions télé ; plus de 150 000 MP3 mais aussi des BD, mangas, livres numérisés. Le réseau est estimé dans sa totalité à 2,5 millions de liens vers du contenu illégal d’après la SACEM.

Rappelons que le site n’hébergeait aucun fichiers et qu’il reprenait le concept d’annuaire. Pour chaque contenu présenté, et ce, quelque soit son type, le site proposait ainsi une liste de liens de téléchargement directs (DDL) via le service DL-Protect, pointant vers des services de stockage comme Uploaded, Uplea, Uptobox, 1fichier, Rapidgator, Free, Turbobit.

Venons-en à DL Protect justement. Il s’agit là du cœur même de Zone Téléchargement, car ce service crucial est géré par la même entité, à savoir une entreprise offshore spécialisée dans le piratage lucratif. Il aura fallu à la Gendarmerie et à la C3N (Centre de lutte contre les criminalités numériques) plus de deux ans pour mettre en lumière la tentaculaire Zone Téléchargement.

DL Protect servait à protéger le site Zone Téléchargement de tout blocage dans les moteurs de recherche : en effet, aucun lien illégal n’était visible directement sur ses pages ! Ainsi, les ayants droits ne pouvaient rien faire via des requêtes DMCA. Très malin, c’est cette astuce qui a permis au site de tenir si longtemps face à la pression. De plus, cela permettait aussi de multiplier par deux les revenus publicitaires : les visiteurs visualisaient de la publicité sur le portail principal puis de nouveau sur le service de cloacking DL Protect.

Les régies publicitaires utilisées étaient peu regardantes et ne respectaient bien entendu pas les accords liés aux contenus. Peu scrupuleuses donc, les régies étaient pour la plupart orientées vers du contenu pour adulte pour générer un maximum de rémunération. Selon les enquêteurs, le chiffre d’affaire annuel de Zone Téléchargement s’élève à 1,5 millions d’euros. Bien entendu, les frais étaient inexistant et la majorité du cash entrant était du bénéfice ! Les responsables des deux sites ont poussé l’ingéniosité à son paroxysme en mettant en place un réseau de blanchiment d’argent ainsi qu’une multitude de comptes bancaires offshore pour ne payer aucune taxe et échapper aux autorités trop curieuses.

Chaque versement en provenance des régies publicitaires actives était réalisé sur des comptes offshore qui ont été listés par les enquêteurs : Malte, Chypre et Belize. C’est donc un montage digne des plus grands fraudeurs fiscaux. Cela permet de comparer cette entreprise française à l’empire de Kim Dotcom.

A la tête de ce juteux business, 2 personnes arrêtées à Andorre. Le mystère demeure donc sur la personne ayant pu remettre en ligne le site Web… à moins que ça ne soit un honeypot ? Mais cela reste peu probable à la vue du déroulement des opérations et du battage médiatique. Il doit donc rester un administrateur en liberté hors d’atteinte des autorités. Quand aux serveurs Web, ils ont été saisi en Allemagne et en Islande principalement par l’intermédiaire de commissions rogatoires internationales. A Andorre, la police a pu mettre la main sur un véritable trésor de guerre, un immense butin amassé durant des années d’exploitation des sites dédiés au piratage, qualifié d’avoirs criminels par les ayants droits. Voitures de luxe, réserve de cash avoisinant les 450 000€, multiples comptes bancaires offshore dans des paradis fiscaux, luxueuses propriétés en résidences secondaires, etc.

Les responsables du site qui seront vraisemblablement poursuivis pour contrefaçon et blanchiment d’argent en bande organisé risquent jusqu’à 7 ans de prison et 750 000€ d’amende. La Sacem a cependant confirmé qu’elle ne compte pas poursuivre les millions d’utilisateurs de ces deux sites (attaquables en théorie pour « recel »), l’objectif étant de stopper le commerce illégal à sa source. Par ailleurs, d’autres plaintes et actions seraient en préparation. La SACEM annonce qu'”il n’y a plus d’impunité pour les pirates“.

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