Tueurs à gages sur le Deep Web : Mythe ou réalité ?

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Vente d’armes à feu, pédopornographie, informations bancaires volées,… Le Deep Web regorge d’activités illégales. Mais ces derniers temps, l’une d’entre elles attire plus que les autres l’attention des médias spécialisés : la location de tueurs à gages.

En février 2013, zakazat-kilera voit le jour. Proposant d’éliminer la victime de votre choix de différentes manières moyennant 1 000 à 5 000 dollars, le site a la particularité de ne pas appartenir au web profond mais d’être accessible sans passer par le réseau TOR. Les autorités russes bloquent l’accès à zakazat-kilera le 6 décembre 2013.

Le 29 mars 2013, Ross William Ulbricht, l’administrateur présumé de Silk Road arrêté par le FBI le 2 octobre de la même année, loue les services d’un tueur à gages via son site pour assassiner un internaute qui le menaçait de divulguer les noms d’une centaine d’utilisateurs inscrits sur ce marché noir.

Faut-il vraiment prendre au sérieux les services proposés sur ces sites ou ne s’agit-il que de simples canulars ? Ces soi-disant tueurs à gages sont-ils de véritables meurtriers ou des arnaqueurs encaissant le montant du contrat avant de disparaître ? L’aberration d’employer un tueur à gages en ligne sans prendre de risques s’avère-t-elle être une réalité ? Après avoir écumé le Deep Web à la recherche d’exemples probants, deux sites en particulier ont retenu notre attention. Mais, évidemment, si ces exemples nourrissent la réflexion, rien ne prouve que leur propos est à prendre au sérieux.

C’thulhu

                                                                                            cthulhu 

« When you have to have it done clean ! »*. Le site C’thulhu, en référence au monstre aux tentacules de pieuvres, à la tête de seiche et aux ailes de dragon imaginé par H.P. Lovecraft en 1926, propose des « solutions aux problèmes de tous les jours ». L’organisation criminelle composée d’anciens soldats et mercenaires de la Légion Étrangère Française ayant une expérience militaire d’au moins 5 ans opère n’importe où dans le monde pour $6 000 (le paiement est divisé en deux parts : 50% avant le meurtre et 50% après).

« Pourquoi quelqu’un aurait-il besoin d’engager un tueur en ligne ? » La question est posée dès les premières lignes de la description des services du groupe. La réponse est simple : parce que c’est anonyme. Sur le Deep Web, les criminels se sentent en sécurité car ils ont la sensation, parfois à juste titre, d’être invulnérables. Les communications entre les meurtriers et le « client » se font via des e-mails codés (on parle de cryptographie asymétrique ou cryptographie à clé publique dans ce cas-ci) et le montant du contrat est réglé en bitcoins ou escrows (pour se garantir du paiement, les fonds sont bloqués entre les mains d’un tiers qui les gère alors et les distribue selon les consignes données par les parties). Ainsi, concluent les tueurs à gages, « nous ne savons pas qui vous êtes et vous ne savez pas qui nous sommes, nous ne pouvons pas vous envoyer en prison et vous ne pouvez pas nous envoyer en prison ».

Les membres de C’thulhu ont besoin du nom de la victime, de sa ville actuelle ainsi que d’une photo claire et récente de son visage. Il faut compter en moyenne deux à quatre semaines, peu importe le lieu, pour réaliser le contrat et il est possible de faire part « d’exigences particulières ». Aucune précision quant à la façon de tuer la cible, le IT guy donnera toutes les précisions après un premier contact.

Il est difficile de s’assurer de la crédibilité de ce site. Si son interface soignée, le propos détaillé et la présentation des criminels comme étant des anciens membres de la Légion Étrangère Française laissent à penser qu’il s’agit bel et bien d’une offre sérieuse, les tueurs présumés notent tout de même que « vous prenez un risque en payant par avance et vous pouvez vous faire escroquer ». La « récompense », comme ils l’écrivent, implique ce type de risque et « si vous n’êtes pas prêt à le prendre, ne contactez pas ce genre d’organisation ».

 Unfriendlysolution

                                                                                            unfriendly

« Je vais neutraliser l’ex que vous détestez, votre pire ennemi, un policier qui vous a causé des ennuis, un avocat, un petit politicien,… Je me fiche de savoir pourquoi. Je vais résoudre le problème pour vous, partout dans le monde, pas cher et de manière 100% anonyme ». Plus « artisanal » formellement que le site précédemment cité, Unfriendlysolution apparaît par ailleurs plus détaillé que C’thulhu quant à la façon d’opérer de son créateur.

Le tueur nous apprend qu’il travaille dans « cette branche » depuis 7 ans et qu’il a exercé sous différents noms. Durant toutes ces années, il a acquis beaucoup d’expérience mais cela lui a surtout permis de ne plus « ressentir aucune empathie pour les humains » ce qui le rend « meilleur que tous les autres tueurs à gages ». Moyennant une somme allant de 7 000 € à 15 000 € – notons que le paiement se fait en euros – le meurtrier fait « TOUT ce que vous voulez », ajoutant : « si je dis TOUT, c’est vraiment tout et n’importe quoi… ». Remarquons que sa façon de s’exprimer a presque quelque chose de désespéré à côté du propos plus « nuancé » des membres de C’thulhu. Ceux-ci laissaient planer le doute quand à la fiabilité de leur offre alors que notre homme précise qu’il ne blague pas. « Je ne rigole pas : je vais résoudre vos problèmes physiquement si vous voyez ce que je veux dire, ne me contactez pas si vous n’êtes pas sérieux ! ».

Tout comme les membres de C’thulhu, celui de Unfriendlysolution préserve son anonymat (et celui de son client par la même occasion) : « aucune information personnelle ne sera échangée », « contactez-moi seulement avec PGP » et « le bitcoin est la seule méthode de paiement acceptée » (il n’accepte plus les escrows depuis qu’il s’est fait arnaquer 3 fois en 1 an après avoir tué sans contrepartie). Une partie de l’argent doit lui être versée à l’avance pour qu’il puisse payer les frais de déplacement et éventuellement acheter de nouvelles armes.

« Et maintenant, le plus important… Comment ça marche ? », pouvons-nous alors lire. Après avoir pris connaissance de toutes les informations relatives à la victime, le criminel passe à l’action entre 1 et 3 semaines pour l’Union Européenne et 2 et 8 semaines pour l’Amérique, l’Australie, la Russie et l’Afrique (il s’excuse de ne pas encore opérer en Asie). Lorsqu’il tue sa cible, il fait « toujours de son mieux pour faire passer le meurtre pour un accident ou un suicide ». Le « client » peut choisir la façon de mourir de la victime, notre homme fait presque tout : d’une simple balle entre les deux yeux au meurtre à mains nues. Il n’a pas de vidéo de son travail pour ne pas « prendre le risque de révéler son identité » mais peut, pour 500 € de plus, prendre une photo de son crime.

Le propos du potentiel tueur à gages laisse à penser qu’il a vraiment besoin d’argent (celui-ci insiste énormément sur l’obligation de payer à l’avance) et ses précisions quant aux escroqueries qu’il a subi à cause des dépôts fiduciaires amènent à croire qu’il est sérieux. Ou alors très malin, se plaignant de se faire escroquer alors que lui-même vole les gens qui font appel à ses pseudo-services…

 * Toutes les phrases entre guillemets sont une traduction fidèle des propos tenus sur les sites tous deux rédigés en anglais.
Article proposé et rédigé par y4n 4udel (yanaudel@outlook.fr).

15 Commentaires

  1. En fin de compte les médiats effleurent juste le problème. Pourquoi pas un véritable documentaire sur le Deep Web avec un véritable travail comme une le terrorise. Nous verrions bien que beaucoup de choses est dans l’imaginaire. Plus c’est interdit et plus cela éveil l’imagination. Du coup j’entend des trucs bidons. Tueurs en séries mais pourquoi pas des ET qui sont sur le DW ?

  2. Moi on m’a piraté mon compte de messagerie dont je n’ai plus accès et doit me contenter d’un nouveau gmail. C’est comme çi je n’avais plus de mot de passe valide et ça envois le contenu de mes fichiers de travail à des inconnus. je ne sais que faire

  3. Le truc qui serait pour une fois bien c’est un véritable travail de journaliste investigation. Aller jusqu’au bout et commander réellement quelques choses, ou pousser et voir que en effet les pseudos tueur c’est du bidon. Trouver une annonce payer donner une identité non réel afin de voir que va dire le pseudo tueur. S’il explique qu’il ne trouve pas la personne ou ne donne plus de nouvelles car il c’est juste une escroquerie. Pour moi trouver des pédophiled oui, armes et drogues bien sur mais pas plus. Faut arrêter de fantasmer. Un véritable tueur, va demander plutôt un chiffre 10 fois supérieur et bossent des le milieu.

  4. Il suffirait d’hacker une carte bleu de quelqu’un de quelconque et de payer cette personne pour savoir si ça fonctionne.

  5. Sympa, mais dommage qu’il n’y ait pas eu d’approfondissement journalistique sur la véracité des services proposés. La question que l’on se pose avant la lecture est exactement la même qu’après.
    Bonne chance pour la suite!

    • Effectivement, cet article sert juste de base à une réflexion plus poussée… Le thème mériterait d’être traité sous forme de dossier par des journalistes plus aguerris possédant des moyens plus importants.

  6. J’avais déjà croiser des sites similaires, mais bon le protocole reste souvent le même, payer d’avance avec bitcoins… xD

    Ca en dit long en soi.

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