Une fuite dévoile les intentions européennes pour l’ACTA

0
83

Un document de la Commission européenne destiné aux négociateurs permet de voir avec plus de précision la position de l’Union sur l’Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACTA), qui devrait être finalisé à la fin de l’année.

Le groupement d’associations de consommateurs Transatlantic Consumer Dialogue (TACD) a publié lundi sur son blog un document confidentiel signé le 3 novembre par la Direction générale au Commerce de la Commission Européenne, qui fait le point sur les négociations de l’Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACTA). Il révèle qu’une réunion en comité restreint doit se tenir en Australie du 30 novembre au 3 décembre, pour finaliser la rédaction du texte, en abordant exclusivement les aspects techniques. Il révèle aussi, surtout, les positions prises par la Commission Européenne dans ses négociations avec les autres pays.

Le texte confirme ainsi que l’Union Européenne a remporté la bataille du camembert contre les Etats-Unis, et tenait la position la plus dure. “A la demande de l’Union Européenne, les Parties ont accepté d’étendre le champ d’application de l’ACTA aux droits de propriété intellectuelle autres que le droit d’auteur et les marques (…). Cela veut dire également que les indications géographiques” seront protégées, se félicite la Commission. Elle rappelle que “le désaccord entre les parties à l’ACTA sur l’étendue de l’accord a été le principal point de discorde dès le premier round de négociations, en juin 2008“. C’est uniquement “dans les derniers jours du round de Tokyo“, fin septembre, que la Commission a réussi à faire plier les Etats-Unis pour ajouter notamment les brevets et les indications géographiques à l’accord. Au prix d’un compromis qui exclue les brevets des mesures douanières, et limite l’obligation de faire appliquer certains droits dans l’univers numérique. Elle explique que les Etats-Unis notamment ne souhaitaient pas faire évoluer leur droit national dans le cadre d’une transposition de l’ACTA.

En détaillant les principales “avancées” du texte par rapport aux précédents ADPIC signés en 1994, la Commission applaudit cependant l’apparition de “dispositions innovantes sur la manière de réguler les infractions sur Internet“, même si elles sont devenues pour l’essentiel optionnelles, et précise que le texte sacralise le fait que “les infractions dans le monde numérique ne sont pas différentes des infractions dans le monde physique“.

Répondant à des critiques émises par plusieurs états membres dont la France, qui trouvaient le texte trop timide par rapport aux ADPIC et au droit européen en vigueur, la Commission explique que “bien qu’il était dans l’intérêt de la Commission de parvenir à un résultat des négociations aussi proche que possible des règles en vigueur dans l’UE (y compris les ADPIC), il n’était pas possible de reproduire, dans une telle négociation internationale, les acquis à la lettre“. Elle rappelle néanmoins que les règles européennes actuelles continueront de s’appliquer en Europe.

Plus surprenant, mais rassurant, la Commission explique qu’elle a rejeté toute disposition qui viserait à étendre la protection des DRM à des mesures techniques qui n’ont pas pour but de faire appliquer des droits de propriété intellectuelle, mais de réguler le droit à l’accès aux oeuvres. Elle refuse que les DRM puissent réguler le simple “usage” des oeuvres, c’est-à-dire essentiellement leur lecture. “Toute tentative visant à élargir le droit d’auteur pour couvrir “l’utilisation” brouillerait la distinction entre la propriété intellectuelle et l’accès conditionnel. La Commission ne peut pas suivre une approche où le contrôle de l’accès aux services est mélangé avec la violation des droits de propriété intellectuelle“, prévient ainsi Bruxelles. Concrètement, seul le contournement des DRM pour copier ou diffuser des oeuvres pourrait être sanctionné, mais pas le contournement réalisé pour permettre la lecture des oeuvres (par exemple la lecture d’un Blu-Ray sous Linux).

En revanche, le document révèle que la Commission a fait ajouter une note à l’ACTA, qui insiste sur le fait que les Etats ne doivent pas imposer l’interopérabilité des DRM. “Il n’y a pas d’obligation pour l’industrie des TIC (Technologies de l’Information et des Communications) de concevoir des appareils, des produits, des composants ou ds services qui correspondent à certaines mesures technologiques“, dit la note dont la Commission a demandé qu’elle soit rendue publique.


Source : Numerama, Guillaume Champeau