Loi provisoire sur l’IA de l’UE : ouvrir la voie au dialogue pour ne pas brider la créativité européenne

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Le 9 décembre 2023, les négociateurs du Parlement et du Conseil européens sont parvenus à un accord provisoire concernant la législation sur l’intelligence artificielle (IA). Ce règlement vise à garantir que les droits fondamentaux, la démocratie, l’État de droit et la durabilité environnementale sont protégés contre les risques liés à l’IA, tout en encourageant l’innovation et en faisant de l’Europe l’un des leaders dans ce domaine. Les règles établissent des obligations relatives au niveau de risque et d’impact que l’IA peut générer.

Neila Choukri, fondatrice et CEO de Kolecto, s’étonne du contraste entre ce projet de loi et la volonté de soutenir l’innovation et l’accélération de développement de projets IA nationaux et européens.

« Cet accord – le premier au monde – est une bonne nouvelle, car il est important d’apporter un cadre pour entourer ces innovations dont on ne maîtrise pas encore tous les tenants et aboutissants. Cependant, il est restrictif et pourrait en l’état se poser comme un frein à l’innovation en Europe.

En effet, le Président Emmanuel Macron estime que cette loi va en réalité à l’encontre des intérêts de l’Europe et de la France, en bonne position dans le développement des innovations IA, et pourrait avoir l’effet inverse de celui escompté. En outre, le parti pris de cette nouvelle législation s’oppose à la vision partagée par le Ministre de l’Economie, Bruno Le Maire en novembre dernier, qui estime que l’IA constitue “une chance pour ceux qui la maîtriseront et un désastre pour ceux qui lui tourneront le dos”.

Il aurait été intéressant, en effet, d’aborder le problème de la même manière que pour le Règlement général pour la protection des données (RGPD) en 2018, à savoir de durcir les règles pour les IA issues de pays non-européens – comme les États-Unis ou la Chine – mais d’orienter ces mêmes règles de manière à préserver la créativité et le développement de l’innovation en Europe.

En l’état, cet accord risque de brider de potentielles initiatives, alors que la France se positionne en leader des innovations en matière d’IA. Les entreprises qui n’auraient pas commencé à développer de solutions, seraient déjà bloquées par le cadre réglementaire qui pourrait se révéler décourageant. Par effet de dominos, cela impacterait le dynamisme économique des start-ups françaises, et par extension l’image positive du tissu entrepreneurial français.

Toutefois, le fait que l’accord ne soit pas définitif est une bonne chose et sans doute une porte ouverte à une première prise de température de l’accueil du public sur les niveaux de risques et ce qu’ils induisent. Il serait opportun que Bruxelles propose une version revue et ajustée de cet accord à la lumière des diverses réactions de la part des entrepreneurs, mais aussi des responsables du gouvernement, afin de trouver le meilleur compromis. Si un cadre réglementaire reste indispensable, il faut trouver la juste mesure de ce champ technologique très vaste et semé de nombreuses inconnues. »

Tribune par Neila Choukri, fondatrice et CEO de Kolecto