Faux scandale d’espionnage : un document accable Renault

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Un enregistrement révèle que le groupe avait conscience dès février de s’être fourvoyé dans un faux scandale d’espionnage et qu’il avait choisi de licencier sans preuves les cadres mis en cause dans l’affaire.

«On est là, ensemble, pour essayer de sortir une putain de solution». Christian Husson, directeur juridique de Renault, n’a pas mâché ses mots lors de la réunion de crise qui a rassemblé, le 14 février dernier, Domine Gevrey, responsable du service sécurité, Rémi Pagnie, patron de la sécurité et l’avocat du groupe, Me Jean Reinhart. Un document sonore retranscrivant cette réunion a été publié par l’Express ce lundi. Il démontre que le groupe n’était pas du tout assuré de la véracité des preuves matérielles à l’origine de la fausse affaire d’espionnage alors que fin janvier, Carlos Ghosn faisait une intervention télévisée pour dire le contraire.

«La pièce qui déclenche notre plainte, c’est qu’il y a des comptes offshore. Si on n’a pas cette pièce, tout s’écroule» entend-on dire Christian Husson. «Si on n’a pas ça, on est pendus ! Au premier lampadaire à côté !», ajoute l’avocat. Pendant toute la réunion, la hierarchie fera pression sur Dominique Gevrey, seul en contact avec le corbeau, afin de lui faire dire le nom de cette source anonyme sur laquelle se base toute l’affaire. «Si tu veux, Ghosn, il a l’air d’être parti dans les stratosphères. Il dit : ‘Il me faut au moins un nom, que j’aie pas l’impression de me balader au milieu de nulle part et sur des nuages.’ Et ça, c’est compliqué pour toi de le fournir?, lance Me Jean Reinhart. Dominique Gevrey répond sans hésitation : «C’est pas compliqué, c’est impossible ! Ne vous déplaise». « C’est quelqu’un avec qui on travaille depuis un certain temps, qui nous fait confiance, qui nous donne des supertuyaux», dira-t-il seulement.

 

«Dès le départ, j’ai dit : attention !»

Dans ce document, Dominique Gevrey, aujourd’hui mis en examen pour «escroquerie en bande organisée» et incarcéré à la prison de la Santé, affirme détenir à Bruxelles un rapport écrit dans lequel se trouvent les éléments d’accusation contre les trois cadres, licenciés par la suite. «C’est un papier blanc, avec marqué «Confidentiel» en travers, ils n’ont aucune valeur juridique. C’est pas forcément du Baudelaire, ça fait pas 30 pages. ».

La hierarchie demande à le voir. Mais malgré un interrogatoire serré, Dominique Gevrey ne cède pas. «Ce que je voudrais juste savoir, c’est : est-ce que tu as pensé à un moment que ton type t’enfumait?», demande l’avocat au responsable sécurité. «Non jamais. Je ne suis pas naïf, je suis gentil, je suis confiant», dira ce dernier. Seul face à ses responsables, Dominique Gevrey n’hésitera pas à critiquer la stratégie du groupe. : «Dès le départ, j’ai dit: attention ! Les éléments qu’on a ne sont pas recevables en justice. Si on l’a pas dit dix fois, on ne l’a pas dit une fois».

 

«C’est la fin des haricots pour la boîte, pour Ghosn»

Plus Dominique Gevrey garde le silence, plus la panique de sa hiérarchie grimpe : «Aide- nous à sortir par le haut de ce merdier. Nous, on vit pas dans le monde de la police. On vit dans le monde du management, une société cotée à l’international. Donc il nous arrive une tuile. Et on veut sortir par le haut. C’est pas pour t’emmerder que je dis ça », dit Christian Husson. «Si jamais la DCRI apprenait avant nous qu’il n’y a pas la soudure (les comptes en Suisse, ndlr), là, c’est la fin des haricots pour la boîte, pour Ghosn, pour tout le monde, ça part en couilles mais grave! C’est la bombe atomique!», ajoute-t-il.

À ce stade déjà, ce dernier imaginait pour les trois cadres le pire scénario médiatique pour Renault: «Réhabilitation à grand spectacle avec cocktail au technocentre. Là, ça m’arrache le cul». Interrogé ce lundi soir, Renault a confirmé la tenue de cette réunion, mais n’a pas souhaité faire de commentaires sur ce nouvel épisode du feuilleton.

 

Source : Le Figaro