Tax Scale-Up aux USA Les bonnes pratiques fiscales pour la société, ses fondateurs ou ses directeurs expatriés

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La crise sanitaire et économique que nous vivons actuellement est particulièrement marquante par sa soudaineté et son étendue mondiale. Il est aujourd’hui impossible de déterminer quelles seront les conséquences exactes sur les relations humaines, nos modes de vie ou nos habitudes de consommation. Il est néanmoins peu probable que cette crise ne mette fin au Rêve Américain. La première économie mondiale devrait rester attractive pour les entreprises européennes, françaises en particulier, en quête de développement sur un marché au potentiel comparable à celui de l’Europe.

Tribune par Yoann Brugière, co-fondateur et associé d’Orbiss – L’objectif est celui de présenter les principaux points d’attention et les bonnes pratiques fiscales qu’une société et ses fondateurs, ou directeurs expatriés, doivent appréhender en amont d’une installation aux USA. Les règles internationales du système fiscal américain peuvent être extrêmement contraignantes et amener à des risques financiers importants. Il est donc nécessaire d’attirer l’attention sur ces risques de non-conformité et de manque de planification fiscale.

Retour sur une des récentes spécificités fiscales américaines

Depuis la loi de finance pour le budget gouvernemental 2018 (“the Tax Cuts and Jobs Act“), une société filiale américaine peut être considérée comme détenant les droits de vote et les intérêts de détention de sa société mère française, si au moins un actionnaire, résident fiscal américain, détient, directement ou indirectement, au moins 10% de la société mère. Si tel est le cas, la société filiale américaine sera considérée comme ayant le contrôle des filiales détenues à plus de 50% par sa société mère. Il s’agit de la notion fiscale d’attribution vers le bas. A titre d’exemple, un groupe peut se retrouver confronté à cette réglementation si l’un des fondateurs s’expatrie aux États-Unis et détient au minimum 10% de la société mère en France.

Dans cette situation, le fondateur expatrié, devenant résident fiscal américain, devra inclure, dans ses revenus américains imposables, la quote-part lui revenant sur le résultat fiscal des filiales non-américaines, quand bien-même ces sociétés sont considérées comme des sociétés non-transparentes fiscalement dans leur pays d’immatriculation. Le résultat fiscal des filiales non-américaines est calculé selon les règles fiscales américaines. Cette inclusion, autrement appelée “GILTI” (“Global Intangible Low-Taxed Income”) peut faire l’objet d’élections et d’exemptions permettant de diminuer ou d’éviter l’imposition dans les mains de l’actionnaire. Deux de ces principales élections et exemptions sont :

  • L’élection au taux d’imposition des sociétés (21%) et non aux taux d’imposition des personnes physiques (taux marginal de 37%) ;
  • L’exemption pour taxe élevée dans la juridiction étrangère si le taux d’imposition de la société filiale non-américaine est supérieur à 18.9%.

Dans le schéma d’attribution vers le bas décrit précédemment, la société filiale américaine devra également reporter sur ses déclarations fiscales les états financiers des sociétés filiales non-américaines en normes comptables et fiscales américaines. En cas de non-report ou de non-conformité, les pénalités s’élèvent a 10 000 $ par an et par filiale. Ces obligations fiscales peuvent être limitées dans le cas où l’actionnaire américain effectue ces obligations pour le compte de la société filiale américaine.

Avant l’expatriation aux Etats-Unis d’un cadre dirigeant ou actionnaire détenant au moins 10% de la société mère, il est recommandé de (1) revoir les options fiscales disponibles et conclure sur les élections à effectuer ou non avec un fiscaliste américain ; et (2) coordonner ces travaux avec les différents actionnaires américains et la direction financière du groupe afin de s’assurer des obligations fiscales de chacun.

Stratégie fiscale en cas de « cash-out »

Pour éviter l’application des règles d’attribution vers le bas et l’imposition à la taxe GILTI, l’actionnaire, résident fiscal américain, peut opter, sous réserve des conditions d’application, pour le traitement des sociétés non-américaines en tant que sociétés transparentes. Il s’agit de l’élection “check-the-box”.

La quote-part des résultats des sociétés non-américaines sera généralement imposée à un taux supérieur en cas d’élection “check-the-box”. Cependant, une telle élection peut s’avérer très avantageuse si les actionnaires souhaitent vendre une partie de leur participation pendant leur période de résidence fiscale américaine. En effet, une telle élection peut permettre d’augmenter la base fiscale des actionnaires devenant résidents fiscaux américains. Pour ces actionnaires, la plus-value réalisée à la suite de la vente ultérieure des actions sera moins importante que dans le cas du schéma fiscal de l’attribution vers le bas. L’imposition de l’actionnaire sera par conséquent plus faible.

De plus, dans le cadre de “cash out”, l’administration fiscale va comparer le prix de vente avec la valeur de marché fiscale, “la valeur 409A”. Si le prix de vente est supérieur à cette dernière, la différence entre les deux montants peut être reconsidérée comme un salaire complémentaire et imposé en tant que tel entre les mains de l’actionnaire vendeur. L’employeur devra s’assurer d’effectuer les retenues à la source pour les charges sociales et l’impôt sur le revenu américain du salarié. A titre d’exemple, si nous comparons la vente d’actions (1) d’un fondateur résident fiscal français disposant de ses actions au sein d’un PEE et (2) d’un fondateur, résident fiscal en Californie ou à New York, la différence d’imposition entre les deux fondateurs peut être significative : de 17,2% pour le fondateur résident fiscal français à près de 50% d’imposition fiscale pour le fondateur résident fiscal américain.

Cette reclassification en tant que salaire peut être évitée si la transaction suit le principe de pleine concurrence (“arm-length principle”). Ce principe sera déterminé en fonction de critères issus de la jurisprudence. Une analyse des faits au regards de la jurisprudence est indispensable pour maintenir une position fiscale en tant que plus-value à long terme.

Les stock-options et les attributions d’actions

L’administration fiscale américaine reconnait deux statuts fiscaux liés aux stock-options : les “ISO” (“Incentive Stock-Options”) bénéficiant d’un traitement fiscal favorable et les “NSO” (“Non-Statutory Stock-Options”) soumis au statut fiscal par défaut. Ainsi, un plan groupe de stock-options adapté au statut ISO présentera un avantage complémentaire aux salariés américains. Il peut s’agir d’un critère de motivation additionnel des équipes américaines.

Cependant, les statuts fiscaux étrangers, comme le BSPCE par exemple, ne sont pas reconnus en tant que tels par l’administration fiscale américaine. Dans la plupart des cas, les stock-options non encore exercées de la société mère étrangère seront traités fiscalement aux États-Unis comme des NSO. Ainsi, un détenteur de ce type de produits de la maison mère française s’expatriant aux États-Unis peut se voir doublement imposé si l’exercice des stock-options ou leur date de maturité intervient lors de la période de résidence fiscale américaine. En effet, dans le cadre des BSPCE, l’imposition en France interviendra, la plupart du temps, lors de la vente des actions sous-jacente, alors qu’une imposition aura également lieu lors de l’exercice de l’option aux États-Unis. Si tel est le cas, à la date de maturité ou d’exercice, la différence entre la valeur de l’action sous-jacente et le prix d’achat de l’option sera considérée comme un salaire complémentaire et devra être imposée comme tel. L’employeur devra s’assurer d’effectuer les retenues à la source pour les charges sociales et l’impôt sur le revenu américain du salarié. Il s’agit la d’un risque de conformité fiscal pour la filiale américaine et le salarié résident fiscal américain détenteur des BSPCE.