Les escrocs attaquent avec votre boîte e-mail

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Les arnaques visant à obtenir vos coordonnées bancaires en vous faisant miroiter des dons mirobolants se multiplient. Tous les pièges à éviter.

La vie n’est pas drôle en ce moment. Entre tsunami et alerte nucléaire, l’imagination de l’homme reste pourtant durablement à l’oeuvre. Des as de l’internet, des escrocs aussi prolifiques que maléfiques ont conçu une nouvelle forme d’entourloupe qui revient en force : envoyer des mails par milliers de par la planète aux citoyens du monde que nous sommes, en espérant qu’un “gogo” ou deux tomberont dans le piège. Et ça marche !

Le principe de la fraude
On appelle cela “l’escroquerie à la nigériane”. Comme son nom ne l’indique pas, elle est plutôt localisée ces temps-ci du côté du Bénin. Les auteurs de ces mails vous écrivent pour vous dire qu’ils sont très malades, qu’ils n’ont plus de famille et que vous allez forcément bénéficier de leur héritage. Les autres approches, toutes rédigées sur le mode de l’apitoiement, évoquent parfois un crash d’avion, parfois le handicap soudain d’une épouse dans la douleur.

Tous ces mails sont surnommés “scams” par les spécialistes. Les enquêteurs, versés dans la “cybercriminalité”, appellent aussi cela “l’infraction 419”, qui correspond à l’article 4-1-9 du Code pénal nigérian qui sanctionne la fraude. En France, on parle plus simplement de “tentative d’escroquerie”. “Bien aimé, peut-on lire, j’ai décidé de vous léguer ma fortune de 2 millions 25000 dollars US. Avec toute la modestie et la sincérité d’une donatrice” ou encore “J’ai l’honneur de venir très respectueusement solliciter de vous une aide qui nous ouvrira les portes financières tous les deux”, voire “Mon médecin traitant vient de m’informer que mes jours sont comptés.

Les constantes de ces mails
Le prétexte humanitaire revient en force. Le mobile invoqué consiste souvent à éviter de devoir dilapider un héritage. L’autre constante est une traduction approximative avec des fautes d’orthographe nombreuses. C’est même la marque de fabrique de “l’escroquerie à la nigériane“. L’appât de l’argent est inévitable : il est souvent question de “l’ingot d’or” (sic) ou encore “d’un marie défunt” (re-sic). La santé défaillante de l’auteur revient régulièrement. Le ton est souvent humble, afin d’amadouer l’internaute.

“Ce sont toujours des courriers qui ont pour vocation de romancer des histoires tout en faisant allusion à d’importantes sommes d’argent, explique le major Philippe Lajeunesse, l’un des experts les plus avisés de la cellule cybercriminalité de la section de recherches de la gendarmerie de Marseille. La plupart des escrocs sont basés en Afrique ou dans les pays de l’Est. Ils sont parfois plusieurs à agir ensemble dans une même salle. Lesenvois peuvent aller jusqu’à 10 000 mails à la fois.”

La traque des escrocs
Pour les attraper, les services spécialisés tentent d’identifier une adresse IP, de les ramener vers la France. Des pays africains ont même mis en place des services destinés à lutter contre ces fraudes.

Les exemples dans la région
Selon Philippe Lajeunesse, “il y a deux ans, nous sommes partis en Côte d’Ivoire arrêter des gens. En 2009 – 2010, on a fait une affaire de placements d’argent, sur fond de crash d’avion prétendu. La personne avait envoyé des mails pour proposer des taux d’intérêt miraculeux. Il y a toujours une mise de départ. Il faut toujours verser une somme d’argent pour toucher la somme qui suit. On a fait aussi une affaire de “wash-wash” (lire ci-dessous)”.

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LES 3 QUESTIONS au Major Philippe Lajeunesse

Le major Philippe Lajeunesse, l’un des piliers de la cellule cybercriminalité de la Section de recherches de la gendarmerie de Marseille, fait le point sur le fléau.

– Comment luttez-vous contre ce type de délinquance ?
On essaie de les coincer en leur donnant des rendez-vous, en les dirigeant vers des cybercafés français. On envoie ensuite toutes les données dont nous disposons à Paris sur une base de données. On repère les fautes redondantes. Si on arrive à déterminer que les mails sont émis depuis la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, alors on se saisit du dossier. Le problème, c’est que beaucoup de gens ont honte. Ils n’osent pas dénoncer les escroqueries dont ils sont victimes, surtout s’il s’agit d’argent pas très clair.

– Disposez-vous de moyens accrus dans la lutte contre ce fléau ?
D’abord, il faut dire que ce type de délinquance n’est pas nouveau. Il faut savoir qu’au 18e siècle, cela existait déjà en France. On appelait cela les “lettres de Jérusalem”. On envoyait à des notables des courriers pour leur faire croire qu’ils allaient gagner énormément d’argent. Aujourd’hui, on travaille beaucoup avec les États-Unis. Soixante-cinq pays ont signé à ce jour la convention cybercriminalité. On arrive de plus en plus à obtenir des informations grâce aux nouvelles lois en matière de cybercriminalité. Même les pays africains s’y mettent. Et la loi sur la “cyberinfiltration”, votée l’an dernier et étendue aux infractions d’escroquerie, autorise désormais les enquêteurs à utiliser des “pseudonymes” pour traiter ce genre d’infractions.

– Qui est, selon vous, derrière ces réseaux ?

Indéniablement, il y a derrière tout cela des organisations mafieuses.

 

Source : La Provence

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