Hackers, Wikileaks et Anonymous : Plongée dans la vie d’une patronne à la cybercrim’

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Valérie Maldonado nous raconte son parcours et son expérience à la tête de l’office chargé de lutter contre la cybercriminalité en France.

Loin du mythique 36, quai des Orfèvres, c’est à Nanterre, dans un bâtiment du ministère de l’Intérieur que siège l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, l’OCLCTIC. Une secrétaire nous conduit dans un dédale de couloirs vitrés. Des stores à moitié baissés laissent entrevoir des équipes de trois ou quatre hommes vissés à leurs ordinateurs. Les téléphones sonnent, les imprimantes fonctionnent à plein régime. L’état-major est en réunion, mais la « patronne » ne tarde pas à nous recevoir.

La quarantaine, blonde, élégante, la poignée de main et le sourire francs, Valérie Maldonado met instantanément son interlocuteur à l’aise. Son accent et les deux posters du Puy-de-Dôme accrochés aux murs de son bureau trahissent ses origines auvergnates. Elle a sous ses ordres une soixantaine de personnes, policiers et gendarmes.

Interlocuteurs réguliers : Interpol et Europol

Leur mission est aussi infinie que l’étendue de la Toile. Arnaques, fraudes à la carte bancaire, cyberattaques, pédopornographie, détournements de données personnelles… : pour tous ces faits, ils aident aux investigations des services de police, de gendarmerie, de répression des fraudes.

Lutter contre cette criminalité complexe, sans frontières et en constante mutation est la priorité sécuritaire d’un grand nombre de gouvernements. Les services secrets, Interpol, Europol, pour ne citer qu’eux, sont les interlocuteurs réguliers de l’OCLCTIC. C’est peu dire que la pression est forte à Nanterre. Mais la divisionnaire Maldonado ne semble pas trop s’en émouvoir.

Cette capacité à gérer des situations tendues, elle l’explique par un parcours qu’elle qualifie de « classique », mais qui, manifestement, a forgé, poste après poste, une personnalité que l’on devine confiante et déterminée. Après des études de droit, elle entre, à 23 ans, à l’École nationale supérieure de la police. Fille du chef de la crim’ de Clermont-Ferrand – brigade où elle débute –, elle est séduite par le dynamisme et la solidarité qui règnent au sein de la police judiciaire.

Elle se spécialise à la section économique et financière du SRPJ de Lyon, où elle participe à des enquêtes politico-médiatiques comme l’affaire Botton, et travaille sur des dossiers « plutôt voyous » de fausse monnaie. Nice, ensuite, constitue une autre étape marquante de sa carrière.

Toujours à la brigade financière, elle est de nouveau confrontée à des dossiers atypiques, la Côte d’Azur abritant les grands escrocs et la mafia italienne. Elle acquiert une formation technique et une vue généraliste du métier grâce aux permanences qu’elle effectue à la crim’. Elle reste cinq ans dans le Sud, où, confie-t-elle, elle prend le temps de faire deux enfants.

Imprégnée de la culture du web sous tous ses aspects

Direction Paris ensuite, où elle découvre « un autre monde » : la direction centrale de la police judiciaire. Elle entre à l’Office central pour la répression du faux monnayage au moment sensible du passage à l’euro et, après un crochet par la Division nationale des infractions financières, y revient pour en prendre la direction pendant cinq ans. «Le hasard des postes qui se libèrent », assure-t-elle avec modestie.

Lorsqu’elle arrive, début août 2010, à l’OCLCTIC, la menace cybernétique est chaque jour plus présente. Simple hasard, comme elle le prétend, ou suite logique d’un parcours ambitieux et sans faute, Valérie Maldonado se trouve, une nouvelle fois, au bon endroit au bon moment.

Plus l’enjeu est de taille, plus elle est à son aise. C’est une spécialiste reconnue par ses pairs, capable de résoudre des problèmes de grande échelle.

Si elle confesse ne pas être « blindée de diplômes informatiques », elle apprend vite. Véritable éponge, elle s’imprègne de la cyberculture. Films, livres, vidéos, musique : tout ce que lui soumet son équipe technique est avalé, décrypté, enregistré. « Équipe » est peut-être le maître mot de son parcours. À chacun des postes qu’elle occupe, elle fait confiance, délègue aux autres et s’inspire d’eux.

Wikileaks au cœur de ses préoccupations

L’inventivité des hackers l’étonne et la fascine. Elle parle de la psychologie de ces génies passionnés d’informatique qui, par défi, appliquent des idéologies anarchistes. Elle nous montre une photo du masque du héros de V pour Vendetta, le film auquel se réfère le collectif Anonymous.

Ceux qui se revendiquent de ce mouvement, explique-t-elle, ont la capacité, pour défendre des causes qui leur sont communes, de générer des attaques massives sur les systèmes informatiques de sociétés ciblées. Ces offensives liées à l’affaire WikiLeaks constituent l’une de ses préoccupations majeures du moment.

Valérie Maldonado évoque aussi ces escrocs d’un tout autre genre qui sévissent sur le Net. Par le biais de courriels manipulateurs, ils parviennent à soutirer les coordonnées bancaires de leurs victimes. Certains avec un goût affirmé pour la provocation.

Pour preuve, la patronne de l’OCLCTIC nous tend le CD de chanteurs « bling bling » qui se vantent de leurs arnaques dans leurs chansons ou sur leur page Facebook. L’escroquerie peut être très bien ficelée, mais « on finit toujours par trouver une faille, assure la cybercommissaire. La personne aura beau prendre toutes les précautions pour qu’on ne remonte pas à elle, à un moment donné, elle va vérifier son système une énième fois, et ce sera la fois de trop. »

À la cybercrim’, Valérie Maldonado applique les méthodes policières classiques : établir des profils, relever les identités, joindre aux preuves techniques les mesures classiques de recoupement d’horaires, de vidéosurveillance. Son récit est ponctué d’anecdotes, d’histoires de flics et de voyous, de références cinématographiques.

Elle raconte avec passion et force détails le modus operandi de tel grand faussaire, les réunions internationales à Naples, dans une zone de non-droit. Quand, pour finir, on lui demande si le fait d’être une femme lui a posé problème dans un univers majoritairement masculin, elle jure n’en avoir jamais souffert.

« Pour ce boulot, nous dit-elle, il faut avoir des qualités qui sont communes aux deux sexes : posséder un sacré mental, savoir investir son territoire, le défendre, argumenter. Et surtout ne pas avoir un tempérament effacé. » Elle admet toutefois qu’il faut faire moins d’erreurs que les autres. « Ça, conclut-elle en souriant, c’est clair. »

 

Source : Le Post